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L’humiliant faux départ de Friedrich Merz qui plonge l’Allemagne et l’Europe en plein doute

L’humiliant faux départ de Friedrich Merz qui plonge l’Allemagne et l’Europe en plein doute

Vainqueur des élections fédérales le 23 février, le chef des conservateurs Friedrich Merz a échoué mardi à être élu chancelier de l’Allemagne. Cette première dans l’histoire d’après-guerre fragilise un peu plus sa coalition et ses ambitions sur la scène internationale.

Ce devait être une journée réglée comme du papier à musique. Friedrich Merz devait être élu mardi 6 mai par les députés du Bundestag avant de se rendre au château de Bellevue, à Berlin, pour prêter serment devant le président de la République fédérale. Mais rien ne s’est passé comme prévu. À la surprise générale, le chef des conservateurs a échoué à passer le cap de cette simple formalité.

Friedrich Merz n’a obtenu que 310 voix sur 621 exprimées et 630 députés au total. Il lui en aurait fallu 316 pour être élu.

« Cet épisode rappelle que cette grande coalition SPD, CDU, CSU rassemble en fait peu d’électeurs et ne dispose que d’une courte majorité au Bundestag. Lors des dernières législatives, la CDU a fait le deuxième pire score de son histoire et le SPD son plus mauvais résultat. Ce chancelier avait déjà une légitimité électorale très faible », rappelle Martin Baloge, docteur en science politique à l’université Panthéon-Sorbonne et maître de conférences au sein de l’Université catholique de Lille.

Une vulnérabilité que n’a pas manqué de souligner la dirigeante de l’extrême droite, Alice Weidel, selon laquelle ce scénario « montre à quel point les fondations de cette coalition sont fragiles ». Dans la foulée, le parti d’extrême droite a réclamé de nouvelles élections législatives alors que l’AfD fait actuellement jeu égal dans les sondages avec les conservateurs.

Friedrich Merz va désormais se soumettre à un deuxième tour de vote prévu dans l’après-midi, à l’issue duquel, s’il ne devait à nouveau pas obtenir de majorité absolue, une majorité relative des députés serait suffisante pour qu’il devienne chancelier.

« Il existe une opposition forte de certains sociaux-démocrates à entrer dans ce gouvernement. La question est désormais de savoir si les députés frondeurs rentreront dans le rang ou si d’autres vont à se rallier à eux. Auquel cas on irait vers un troisième tour que Merz remporterait mais cela repousserait encore son élection et nuirait un peu plus à sa crédibilité », analyse Paul Maurice, secrétaire général du Comité d’études des relations franco-allemandes (Cerfa) à l’Ifri.

Friedrich Merz pourrait aussi s’être mis à dos des députés de son propre camp après avoir assoupli les règles budgétaires très strictes du pays pour pouvoir financer un vaste programme d’investissements. De nombreux élus conservateurs ont rappelé ces dernières semaines que leur parti avait promis l’inverse durant la campagne électorale.

Un leadership contrarié

Ce faux départ tombe en tout cas au plus mal pour ce vieux routier de la politique qui n’a cependant jamais occupé de poste exécutif. Alors qu’il devait redonner confiance à une Allemagne en plein doute sur le plan économique, sociétal et diplomatique, sa coalition échoue avant même d’avoir commencé à exercer le pouvoir.

Ce camouflet historique vient aussi directement contrarier ses ambitions sur le continent européen où il entend rompre avec l’immobilisme de son prédécesseur, Olaf Scholz, en renforçant les capacités de la défense allemande dans le contexte du désengagement de l’allié américain. Il plaide également pour un soutien accru à l’Ukraine qui pourrait se traduire ces prochains mois par la livraison de missiles de croisière Taurus.

Acculée par la guerre commerciale lancée par Donald Trump et le rapprochement spectaculaire entre la Maison Blanche et la Russie de Vladimir Poutine, l’Union européenne comptait sur un gouvernement stable en Allemagne pour muscler la réponse des Vingt-Sept. Dans ce contexte, le nouveau chancelier, francophone et grand partisan de la relance du moteur franco-allemand, devait se rendre à Paris dès mercredi puis à Varsovie. Des déplacements qui semblent compromis après l’humiliation subie au Bundestag.

« Cet échec nuit à son leadership sur la scène européenne et internationale, à un moment où il annonçait un retour de l’Allemagne et un retour d’un leadership allemand fort. Mais d’une certaine manière, cela nuit aussi à tous les Européens », affirme Paul Maurice.

Sur le plan intérieur, Friedrich Merz a aussi promis un certain nombre de ruptures pour relancer une économie qui vient de connaître deux années de récession. Faisant fi de la sacro-sainte orthodoxie budgétaire, le conservateur a annoncé dès mars un programme de dépenses de plusieurs centaines de milliards d’euros pour réarmer et moderniser le pays.

Parmi ses chantiers prioritaires : la remise sur pied de l’armée nationale pour assurer la défense du pays et sa contribution à l’Otan, mais aussi des investissements massifs dans les vieillissantes infrastructures allemandes, trop longtemps sacrifiées sur l’autel de l’austérité.

« L’austérité que l’Allemagne demandait aux autres pays européens, elle se l’est appliquée à elle-même. Les autoroutes sont certes gratuites mais elles sont constamment en travaux ou dans un état assez catastrophique. Quant aux trains, c’est une horreur. Les Français se plaignent beaucoup de la SNCF, mais peu ont fait l’expérience de la Deutsche Bahn. Enfin, les infrastructures numériques sont aussi loin d’être au niveau », détaille Martin Baloge.

Le contrat de coalition promet également un choc de simplification, la baisse du nombre de fonctionnaires ou encore la baisse de l’impôt sur les sociétés d’ici deux ans. Pour stimuler la compétitivité d’une industrie en perte de vitesse, le nouveau gouvernement a aussi annoncé un tarif préférentiel d’électricité pour les entreprises grandes consommatrices d’énergie.

Des responsables qui « jouent avec le feu »

Au-delà de ces défis économiques, le gouvernement allemand veut durcir le ton sur l’immigration pour contrer l’essor de l’AfD qui a obtenu 20,8 % des voix aux dernières législatives après une campagne marquée par une vague d’attentats.

« Toute personne qui tente d’entrer illégalement en Allemagne doit s’attendre, à partir du 6 mai, à être refoulée à la frontière allemande », a déjà prévenu le bras droit de Friedrich Merz, Thorsten Frei.

Durant la campagne, le leader conservateur avait même brisé un tabou en adoptant avec le parti d’extrême droite un texte visant à durcir la politique migratoire du pays.

« La CDU et le SPD ont considérablement durci leur position en matière d’immigration, ce qui risque de se heurter au droit international et aux obligations européennes de l’Allemagne. On parle déjà de limiter le regroupement familial ou encore de renvoyer directement des immigrés illégaux en Afghanistan et en Syrie », précise Martin Baloge.

Lundi, Friedrich Merz a évoqué un « devoir historique de mener cette coalition vers le succès », alors que l’extrême droite parie, elle, sur un échec pour gagner les prochaines élections législatives de 2029. Le faux départ de la nouvelle coalition semble donner raison à l’AfD, qui pourrait engranger de nouveaux soutiens dans ce contexte d’instabilité politique.

« Des responsables politiques jouent avec le feu à un moment où l’Allemagne marche sur une poudrière », estime Paul Maurice. « Actuellement, la seule chose qui peut faire baisser l’extrême droite, c’est le fait que ce gouvernement soit en action. Si on avait des élections anticipées aujourd’hui, les partis démocratiques seraient laminés. »

Par Grégoire SAUVAGE
france24

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