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RD Congo – Rwanda : quelles sont les raisons du blocage diplomatique ?

RD Congo – Rwanda : quelles sont les raisons du blocage diplomatique ?

Alors que les rebelles du M23 et des forces rwandaises contrôlent désormais la majeure partie de la ville de Goma, dans l’est de la République démocratique du Congo, le président Tshisekedi a décliné l’invitation à la réunion organisée mercredi par le Kenya avec son homologue rwandais.

Des négociations dans l’impasse. La rencontre prévue par le Kenya entre les présidents congolais et rwandais pour aborder l’escalade de la crise sécuritaire dans l’est de la République démocratique du Congo n’a finalement pas eu lieu. Félix Tshisekedi a fait savoir qu’il « ne participera pas au sommet virtuel des chefs d’États de la Communauté des États d’Afrique de l’Est », mercredi 29 janvier, officiellement « pour des raisons d’agenda », selon l’Agence congolaise de presse (ACP).

Sur le terrain, les rebelles du M23 et les forces rwandaises, parvenues à entrer dimanche dans la ville de Goma, en contrôlent désormais les principaux points stratégiques. Cette spectaculaire offensive dans l’est de la République démocratique du Congo s’est intensifiée fin décembre après l’échec de la médiation angolaise, qui a tenté en vain d’organiser des négociations directes entre Félix Tshisekedi et Paul Kagame.

Mercredi, le président angolais João Lourenço a réitéré son appel à un sommet tripartite d’urgence à Luanda, et appelé au « retrait immédiat du M23 des territoires illégalement occupés » et « des Forces de défense rwandaises du territoire congolais ».

Les négociations directes avec le M23, une ligne rouge

Désigné en 2022 par la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) et l’Union africaine (UA) pour piloter ces négociations difficiles, João Lourenço a multiplié les rencontres avec les deux parties afin d’obtenir l’arrêt des combats dans l’est de la République démocratique du Congo en vue de la négociation d’un accord de paix durable. Après la négociation d’une trêve humanitaire puis d’un cessez-le-feu à l’été 2024 – bien que peu respecté –, les dirigeants congolais et rwandais devaient finalement se rencontrer le 15 décembre à Luanda. Mais Paul Kagame n’a finalement pas fait le déplacement.

Selon la partie congolaise, c’est une exigence de dernière minute du Rwanda qui a provoqué l’échec des négociations, Paul Kagame ayant réclamé que Kinshasa ouvre des négociations directes avec le M23. Une ligne rouge pour les autorités congolaises, qui considèrent le groupe rebelle comme des terroristes. « Exiger un dialogue direct avec un groupe terroriste revient à légitimer des agissements qui violent nos lois et principes fondamentaux », déclarait le président congolais le 18 janvier.

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De telles négociations seraient par ailleurs contraires à la posture politique de Kinshasa, qui dépeint le M23 comme une « affaire rwandaise », équipée et financée par Kigali pour perpétuer le pillage des ressources naturelles dans l’est de la République démocratique du Congo. Le gouvernement congolais insiste donc pour que cette question soit négociée directement avec le Rwanda, dont il exige le retrait total des troupes présentes dans l’est de son territoire.
La « menace » FDLR

La République démocratique du Congo, mais également l’ONU, la France ou encore les États-Unis accusent le Rwanda de soutenir la rébellion, mais Kigali n’a jamais reconnu officiellement de lien avec le M23. Pour le pouvoir rwandais, son implication militaire dans l’est de la République démocratique du Congo est une question de « sécurité nationale ». Il dénonce la collaboration entre les FARDC (Forces armées de la République démocratique du Congo) et des milices congolaises, notamment les FDLR (Forces démocratiques de la libération du Rwanda), un groupe d’exilés hutus, comprenant d’anciens génocidaires, opposés au régime de Kigali.

« Les FDLR génocidaires, qui posent une menace directe pour le Rwanda, sont devenues des alliées stratégiques de Kinshasa », a fustigé dimanche le représentant rwandais auprès des Nations unies, Ernest Rwamucyo, lors de la réunion du Conseil de sécurité de l’ONU.

« Cette crise aurait pu être évitée si le gouvernement congolais s’était véritablement engagé en faveur de la paix » a-t-il affirmé.

Au cours des négociations, la République démocratique du Congo s’était pourtant engagée à « neutraliser » ce groupe rebelle actif dans l’est du pays depuis plus de 25 ans. Un processus en quatre phases avait même été adopté en décembre afin d’aboutir à la démobilisation de ces rebelles.

De son côté, Kinshasa reproche au Rwanda d’utiliser les FDLR comme prétexte pour maintenir ses troupes dans l’est de la République démocratique du Congo.

Frilosité internationale

Enfin, les autorités congolaises estiment les pressions internationales insuffisantes face à Kigali. « Le Rwanda ne peut pas continuer à agir en toute impunité », a alerté dimanche la ministre congolaise des Affaires étrangères, Thérèse Kayikwamba Wagner, au Conseil de sécurité de l’ONU.

Paris, Washington ou bien encore Bruxelles ont récemment durci le ton, accusant nommément le Rwanda de soutenir le M23 et exigeant le retrait immédiat de ses forces de la République démocratique du Congo.

Mardi, Berlin a annoncé la suspension des discussions sur l’aide au développement pour le Rwanda en signe de protestation. La République démocratique du Congo aimerait que ses partenaires aillent plus loin en imposant à Kigali un embargo total sur les minerais étiquetés comme rwandais. En décembre, elle a déposé des plaintes pénales contre des filiales d’Apple en France et en Belgique, accusant le groupe américain d’acheter des minerais extraits clandestinement sur le territoire congolais. Pour l’heure, aucun des partenaires de Kinshasa ne s’est engagé sur la voie de telles sanctions.

Sur le continent africain, la République démocratique du Congo ne bénéficie pas plus de soutien dans son combat contre le Rwanda, bien au contraire. Dans son communiqué du 25 janvier, l’Union africaine a appelé à la reprise du processus de Luanda, sans allusion aucune à la présence des troupes rwandaises dans l’est de la République démocratique du Congo et a qualifié le M23 d' »opposition politico-militaire », suscitant de vives réactions parmi les Congolais.

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Pour Bob Kabamba, politologue expert de la République démocratique du Congo, cette frilosité s’explique par la position influente du Rwanda sur le continent mais également des divergences stratégiques entre la République démocratique du Congo et les puissances régionales. « Le Rwanda jouit d’une très grande crédibilité sur le plan africain », souligne-t-il, citant en exemple son rôle fondateur dans la création de la zone de libre-échange sur le continent, ainsi que la puissance de son armée.

Le politologue évoque par ailleurs des frictions entre la République démocratique du Congo et ses partenaires régionaux. « Les organisations régionales avaient demandé à Kinshasa de privilégier la solution politique, ce que Kinshasa a refusé, préférant l’approche sécuritaire », poursuit-il.

Qualifiant l’offensive vers Goma de « déclaration de guerre du Rwanda », le gouvernement congolais a rompu le 26 janvier ses relations diplomatiques avec Kigali et rappelé ses diplomates.

« Nous sommes dans un enlisement diplomatique. Dans cet enlisement, le M23 va continuer à gagner du terrain », déplore Bob Kabamba. « Kinshasa se retrouve aujourd’hui en position de grande faiblesse », conclut-il.

PAR FRANCE24
Par David RICH

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