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Au Mozambique, l’investiture du président Daniel Chapo sous haute tension

Au Mozambique, l’investiture du président Daniel Chapo sous haute tension

Daniel Chapo a prêté serment mercredi comme président du Mozambique dans une capitale, Maputo, placée sous haute surveillance. Son principal opposant, Venancio Mondlane, a renouvelé son appel à « paralyser » le pays avec des manifestations quotidiennes, dénonçant une élection « volée ».

Au Mozambique, le président élu Daniel Chapo, 48 ans, a prêté serment mercredi 15 janvier dans une capitale quadrillée par les forces de l’ordre, alors que son principal opposant a appelé une nouvelle fois à « paralyser » le pays avec des manifestations quotidiennes.

Sur la place de l’Indépendance de Maputo, sous haute sécurité, Daniel Chapo, à la tête du parti au pouvoir depuis un demi-siècle dans ce pays d’Afrique australe, a juré de « remplir fidèlement la fonction de président de la République » pour les cinq prochaines années.

Les violences post-électorales – qui ont évolué vers une contestation plus globale du pouvoir et des dysfonctionnements de l’État – ont fait depuis octobre plus de 300 morts, selon Plataforma Decide, une ONG mozambicaine.

« Transformer notre douleur en prospérité »

Dans son discours inaugural, celui qui est devenu le premier président né après l’indépendance en 1975 n’a pas explicitement évoqué ces violences, associant simplement à la minute de silence en mémoire des 120 morts causées par le cyclone Chido « ceux qui, tout au long de cette période, ont perdu la vie, ont été blessés ou ont subi des pertes irréparables ».

« Unis, nous sommes capables de surmonter les obstacles et de transformer notre douleur en prospérité », a-t-il prêché.

Après bientôt trois mois de violentes émeutes, accompagnées de grèves, blocages, incendies et vandalisme, la première mission du nouveau président va être de trouver une sortie de crise.

L’opposition dénonce une élection « volée » depuis la victoire du parti Frelimo en octobre, confirmée avant Noël par la plus haute cour du pays. Mais en dépit de la contestation, la formation aux manettes du pays lusophone d’Afrique australe depuis un demi-siècle « n’a fait aucune concession », relève l’historien Éric Morier-Genoud.

Conscient de l’ampleur du mécontentement, Daniel Chapo, officiellement crédité de 65 % des voix en dépit de nombreuses irrégularités, a livré un discours de rupture, promettant mercredi la « fin de la corruption, de la désorganisation et du manque de transparence » de l’État.

« Le gouvernement est prêt à se serrer la ceinture et à montrer l’exemple », a-t-il assuré. « Il est temps de bâtir ensemble une nation plus propre, plus efficace. »

Le président de l’Afrique du Sud voisine, Cyril Ramaphosa, était le seul chef d’État étranger présent à l’investiture, avec celui de la Guinée-Bissau, Umaro Sissoco Embalo.

Dissensions internes au sein du parti au pouvoir

Le Frelimo est déchiré par de violentes dissensions internes, relèvent plusieurs experts.

Le président sortant Filipe Nyusi, qui achève son deuxième mandat, n’a pas engagé de discussions directes avec Venancio Mondlane, ancien parlementaire et chroniqueur de télévision de 50 ans, qui mène l’opposition.

Et Daniel Chapo, obscur gouverneur provincial n’ayant aucune expérience de gouvernement, choisi par défaut par le parti divisé, a répété plusieurs fois ces derniers mois qu’il parlerait avec « tout le monde », y compris l’opposant numéro un, mais officiellement aucune rencontre n’a eu lieu entre les deux hommes.

« Venancio » a appelé le week-end dernier à trois jours de manifestations, entre lundi, pour coïncider avec la première séance du nouveau Parlement, qui a été boudée par une partie de l’opposition, et l’investiture mercredi du nouveau chef de l’État.

Des barricades de ses partisans ont restreint lundi l’accès à la capitale Maputo largement déserte, a constaté l’AFP. Des affrontements avec les forces de l’ordre, dans le centre et le nord du pays, ont fait six morts, selon l’ONG locale Plataforma Decide.

« Comment cela va-t-il finir ? »

Rentré la semaine dernière d’un exil qu’il s’était imposé après l’assassinat de deux de ses proches en octobre, « VM », comme l’appelle aussi la rue, s’est indigné mardi, dans l’un de ses directs rituels sur Facebook, de la violence du pouvoir.

Il avait dit sa volonté de dialogue dès son arrivée à l’aéroport. Mais ses partisans ont été visés par « des balles réelles et du gaz lacrymogène », note-t-il. « Comment cela va-t-il finir ? », a-t-il interrogé.

« Ce régime ne veut pas la paix », a accusé l’opposant. « Et s’ils ne veulent pas la paix, nous n’allons pas reculer. S’il le faut, nous manifesterons tous les jours, 365 jours par an », a-t-il prévenu.

Pour Johann Smith, analyste en risques politiques et sécuritaires, le Frelimo risque d’avoir bien du mal à calmer le jeu. L’absence de dirigeants étrangers pour l’investiture « envoie un signal fort ». Même Paul Kagame, président rwandais dont les soldats participent aux combats contre des groupes armés jihadistes dans le nord du Mozambique, ne sera pas là, représenté par son Premier ministre.

Le Portugal, ancienne puissance coloniale, envoie son ministre des Affaires étrangères, le gouvernement estimant que « dans les circonstances actuelles », c’est la « représentation appropriée ». « Même au niveau régional, on hésite à reconnaître que Chapo a gagné les élections, le scrutin s’est avéré si imparfait et injuste pour les citoyens », ajoute-t-il.

Pour sortir de l’impasse, Daniel Chapo, conseillé ces derniers temps par l’ex-président Joachim Chissano, pourrait annoncer une sorte de commission ou groupe de travail pour réfléchir à des réformes afin de gagner du temps, souffle un expert qui tient à rester anonyme.

Il pourrait aussi intégrer, lors de l’annonce de son gouvernement attendue d’ici la fin de la semaine, plusieurs ministre de l’opposition et de la société civile, imagine Éric Morier-Genoud, universitaire à Belfast et spécialiste du Mozambique.

Avec AFP

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